On dit Port-Royal « anti-humaniste » au plan théologique, en raison de sa méfiance envers la suffisance de l’homme et d’une affirmation du primat de la grâce. Mais au sens historique des studia humanitatis, Port-Royal est pleinement « humaniste » : les Messieurs sont favorables à un retour aux textes, à l’apprentissage des langues anciennes y compris le grec, à la pratique des exercices de traduction et à la fréquentation assidue des Anciens. Ce paradoxe n’est qu’apparent: si on lit et traduit Térence et Virgile à Port-Royal, c’est pour former à la correction de la pensée, à la netteté des dialogues, à la pureté de la langue, non pour le seul agrément ou la simple éloquence. Les belles-lettres sont légitimes lorsqu’elles constituent une école du jugement.
Plusieurs traités de Nicole, en particulier la préface à un choix d’épigrammes (Epigrammatum delectus, 1659) visent justement à distinguer entre une fausse beauté, factice, artificielle, superficielle et trompeuse; et une vraie beauté fondée sur la seule vérité. Les Provinciales, en 1656-1657, manifestent la puissance opératoire de cette doctine: clarté des définitions, ironie tenue, articulation serrée des arguments. La conception port-royaliste de la langue et du style n’est pas un minimalisme: c’est une rhétorique de la probité, où l’ornement suit la pensée et ne la précède jamais.